Depuis janvier 2022, Pfizer a annoncé un milliard d'investissement en France. 733 millions ont déjà été réalisés. Mais les projets du géant américain, qui n'a plus de site de production en France depuis 2013, ne prévoient pas d'usine.
Le milliard d'euros d'investissement que Pfizer a promis de faire en France est déjà bien engagé. Dans le cadre de Choose France, le géant pharmaceutique américain avait promis en 2022 d'investir dans l'Hexagone 520 millions d'euros, puis s'était de nouveau engagé sur 500 millions en 2023.
« A ce stade, 733 millions d'euros d'investissements ont déjà été réalisés depuis deux ans », a indiqué Reda Guiha, président de Pfizer France, dans un point d'étape jeudi. Toutefois, Pfizer, qui a 13 sites de production en Europe, n'en a plus en France depuis 2013 et ne prévoit pas d'en ouvrir un : dans ses investissements, il n'y a aucune usine.
Malchance
En France, la stratégie du géant pharmaceutique américain est la sous-traitance. Et même ainsi, Choose France a joué de malchance. En janvier 2022, quand Pfizer a promis 520 millions investis sur cinq ans jusqu'en 2026, cela comprenait un projet emblématique. Celui de produire en France ce qui était, à l'époque, un médicament vedette très convoité au niveau mondial : le Paxlovid, le traitement de Pfizer contre le Covid. N'ayant pas d'usine en France pour le produire, l'américain avait investi dans une ligne de production chez un sous-traitant français, Novasep.
Depuis, il ne s'est écoulé que deux ans et pourtant l'époque a changé. Le Covid est devenu aussi banal que la grippe. Comme Moderna, Pfizer ne sait comment écouler ses stocks de traitements Covid invendus. Les dépréciations massives de stocks de Paxlovid et de Comirnaty (son vaccin anti-Covid) arrivés à péremption ont grevé les comptes annuels 2023 du géant américain.
Rachat allemand
Pire : à peine le cocorico de Choose France 2022 poussé, Novasep a cessé d'être français. Il est passé sous giron allemand, l'équipe dirigeante a changé… et même le nom a disparu. Ne reste que les usines françaises d'un groupe ayant son siège outre-Rhin, qui a été rebaptisé Axplora.
« Avec notre investissement, Novasep et son site de Mourenx dans les Pyrénées-Atlantiques, ont rejoint le réseau des façonniers référencés chez Pfizer », fait valoir Pfizer France. Quelque 150 millions ont été investis à Mourenx et « le démarrage de la production a commencé fin 2022 », précise la filiale française.
Pipeline record
Les investissements réalisés depuis deux ans comprennent par ailleurs de la R&D, des partenariats avec des biotechs comme Valneva (Pfizer finance ses essais sur un vaccin contre la maladie de Lyme) ou de grandes institutions (Pasteur, etc.) ainsi que des essais cliniques menés en France. L'Hexagone est le cinquième marché de Pfizer, derrière la Chine, les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne. La hausse de son activité, que reflètent les 733 millions investis, n'est pas propre à la France.
Au niveau mondial, « depuis trois ans, nous avons investi 30 milliards de dollars en R&D. Nous avons 112 molécules en développement, c'est le pipeline le plus riche de notre histoire », commente Pfizer France en soulignant la forte accélération du développement de nouveaux médicaments. Depuis trois ans, il estime avoir gagné trois ans sur le développement clinique.
Intelligence artificielle
Les investissements en R&D ont permis cette accélération, mais l'intelligence artificielle (IA) aussi. « Il existe un milliard de molécules pharmaceutiques dans la bibliothèque mondiale. Pour développer un antiviral il faut passer au crible une dizaine de millions de molécules, en choisir 3 millions et tester si elles fonctionnent sur le virus », explique Reda Guiha.
L'IA saute ces étapes et fait le design des molécules efficaces contre le virus. « Avec l'IA, on est arrivé à 600 molécules au lieu de 3 millions à tester, d'où le gain de temps », poursuit Reda Guiha. Le futur s'accélère, y compris le court terme. Pfizer devrait bientôt mettre 17 nouveaux traitements à disposition des patients en France, « dont 5 ont une autorisation de commercialisation et 12 devraient l'avoir en 2024/2025 », souligne la filiale française. Une telle accélération des développements justifierait davantage d'usines. Mais en France ? La possibilité n'est pas évoquée.
Myriam Chauvot