La perte nette d'Euroapi, le champion français des principes actifs pharmaceutiques, est passée en un an de 15 à 190 millions d'euros, malgré des ventes en hausse. Il annonce un plan de restructuration et s'effondre en Bourse de plus de 41% à mi-séance jeudi.
Au moment où l'Europe vante la réindustrialisation et la souveraineté sanitaire, Euroapi, le champion français des principes actifs pharmaceutiques ou « API », s'enfonce dans la crise. Sa perte nette est passée en un an de 15 à 190 millions d'euros, malgré des ventes en hausse de 3,8 % atteignant désormais le milliard d'euros.
Chantre du made in Europe, où il a ses six usines, Euroapi avait été chaleureusement accueilli par les investisseurs quand il avait fait scission de Sanofi pour s'introduire en Bourse début 2022, sur fond de pénurie de médicaments. Son projet ? Se détacher de son ex-maison mère Sanofi, qui reste un grand client, et servir les autres en molécules innovantes.
Renégocier avec Sanofi
Mais les biotechs ayant vu leurs financements se tarir, leurs commandes ont chuté. Par ailleurs, Sanofi achète moins que prévu et à des prix non revalorisés, alors que l'inflation est de retour. Euroapi arrête 13 API à marge faible ou négative, va rationaliser son portefeuille et son outil industriel pour se concentrer sur ses produits différenciants comme la vitamine B12, les prostaglandines, les peptides et les oligonucléotides.
Les deux usines françaises ne seront pas touchées, mais il est envisagé de céder les deux sites de production britannique et italien. Le nouveau directeur général nommé par Euroapi ce jeudi, le belge Ludwig de Mot, va aussi renégocier les conditions d'achat de Sanofi qui, comme Bpifrance, prolonge jusqu'en décembre 2025 la conservation de sa participation de 30 % pour stabiliser la société.
Produits différenciants
En Europe, certains producteurs d'Api s'en sortent, mais il faut être bien positionné. Le suisse Lonza, leader mondial des API biologiques issus du vivant, a vu son profit net 2023 plonger de 46 % du fait de la fin de commandes liées au vaccin anti-Covid de Moderna et de dépréciations d'actifs, mais son petit compatriote Siegfried a maintenu stable son bénéfice net ajusté.
L'an dernier, Siegfried a pu augmenter ses prix pour répercuter l'inflation, car il fait surtout des molécules sur demande, plutôt que des produits standards de catalogue. Et son petit catalogue est malin : il est par exemple le seul en Europe de l'Ouest à faire de la caféine, les autres sont chinois, donc c'est sa caféine qu'on retrouve dans les sodas et boissons énergisantes des grands fabricants.
Euroapi veut se repositionner, reste à remonter la pente. Le cours de Bourse de Siegfried a grimpé de 35 % depuis un an contre -17 % pour Lonza et -56 % pour Euroapi avant l'annonce mercredi soir de ses résultats annuels. Le Français avait payé cher depuis un an ses trois avertissements sur résultat consécutifs, jeudi matin il a également payé cher l'annonce de ses résultats annuels et de son plan de restructuration. En réaction, jeudi à mi-séance son cours s'effondrait de 41% à 3,99 euros, portant la baisse sur un an du groupe français à 75%.
Myriam Chauvot