Nouvel effondrement boursier ce vendredi du fabricant français de principes actifs pharmaceutiques. Les marchés ont régi à l'annonce de problèmes de qualité dans son usine italienne de Brindisi, appelée à être cédée. Sa production est immédiatement arrêtée et Euroapi suspend toute prévision pour 2024.
La descente aux enfers continue pour Euroapi, l'ex-filiale de Sanofi introduite en Bourse en mai 2022. Le cours du champion français de la production de principes actifs pharmaceutiques, les « Api », s'est de nouveau effondré de plus de 17 % vendredi. Il avait déjà chuté de 50 % le 29 février quand ses résultats annuels avaient révélé que ses pertes se creusaient. Cette fois, le marché a réagi à l'annonce de l'arrêt immédiat de la production de son usine italienne de Brindisi.
« A la suite d'un audit interne, des défaillances du contrôle qualité, imputables à de potentiels manquements au niveau local, ont été identifiées et font l'objet d'une investigation approfondie. La production restera suspendue jusqu'à nouvel ordre », a annoncé Euroapi jeudi soir.
Audit forensic
Les autorités de santé compétentes ont été informées. Par ailleurs, « la société a lancé un audit forensic et va informer ses clients », a précisé Euroapi. Un audit forensic est le type d'enquête que l'on déclenche quand il y a des soupçons de fraude, et que la suite pourrait être pénale.
Le site de Brindisi produit 11 APIs et produits intermédiaires, principalement des anti-infectieux/antibiotiques comme la spiramycine, la rifaximine, la rifampicine, et la teicoplanine. En 2023, les ventes issues du site de Brindisi ont représenté 63 millions d'euros, dont 43 % ont été réalisées avec Sanofi, qui est son principal client.
Plan de redressement
La valeur des actifs non-courants de Brindisi a été entièrement dépréciée dans les comptes consolidés de 2023 et « les perspectives 2024 sont suspendues. Une révision des perspectives 2024 sera rendue publique au cours du deuxième trimestre 2024 », indique Euroapi. A cette occasion, le fabricant français d'Api fera le point sur Brindisi ainsi que sur la mise en oeuvre et le financement du plan de redressement annoncé le 28 février 2024 lors de ses résultats annuels.
C'est un plan drastique. Sur ses six sites de production européens, Euroapi avait annoncé fin février vouloir en céder deux, dont un Britannique mais aussi Brindisi, afin de redresser la barre après être passé l'an dernier de 15 à 190 millions d'euros de pertes annuelles.
Accusations syndicales
Les cessions d'usines projetées et, plus généralement, la descente aux enfers d'Euroapi ont suscité la colère de ses syndicats qui dénoncent une absence de remise à niveau des sites par Sanofi avant de faire coter en Bourse son ancienne filiale. « La CFDT, à l'époque, s'était battue en vain pour obtenir un soutien financier de Sanofi à hauteur de son manque d'investissement dans ces usines et donc de leur vétusté ! », fulminait ce syndicat dans un communiqué du 1er mars. Il rappelait l'ampleur du naufrage d'Euroapi : « une chute de 70 % de sa valeur boursière depuis sa mise en Bourse, l'arrêt d'ateliers sur le site de Francfort (Allemagne), la cession envisagée des sites de Brindisi (Italie) et Haverhill (Angleterre) ».
Mordante, la CFDT rappelle qu'en février 2020, lors de la création de la nouvelle entreprise Euroapi, la direction de Sanofi Chimie assurait aux partenaires sociaux que « cette société sera le reflet du rapatriement d'une partie de la production pharmaceutique en France et du fleuron de l'industrie européenne ».
Une promesse que le marché a d'abord cru, misant sur la reconquête de la souveraineté sanitaire. Il a donc fait très bon accueil à ce nouveau champion français de 3.350 employés introduit en Bourse à 12 euros l'action. Depuis, il a déchanté. Vendredi, Euroapi a clôturé à 2,70 euros l'action. Et les accusations syndicales risquent de mettre Sanofi en position délicate, au moment où il veut introduire en Bourse son pôle de santé familiale, Opella. Le calendrier n'a pas encore été fixé, l'opération doit se faire au plus tôt fin 2024.
Myriam Chauvot