L'absence de revalorisation tarifaire en 2024 fait monter au créneau Ramsay Santé, Elsan et Vivalto, les trois principaux groupes privés. Les petits et moyens établissements dans les territoires étant déficitaires, si l'Etat ne revoit pas sa copie, il y aura des restructurations et une amplification des déserts médicaux.
Ramsay Santé, Elsan, Vivalto : les trois grands groupes de l'hospitalisation privée sont montés au front ensemble, ce jeudi, pour dénoncer les conséquences de la non-revalorisation des prix payés par la Sécurité sociale. Le tarif des actes effectués dans les hôpitaux privés n'augmentera cette année que de 0,3 %, contre 4,3 % pour le public. « On va vers des restructurations et des fermetures d'établissements, réagissent les géants du privé. +0,3 %, ça signifie que 60 % des 1.030 établissements du secteur privé seront déficitaires cette année, contre 40 % à fin 2023. »
Ils prédisent une amplification des inégalités territoriales. « Nos groupes ont repris et portent à bout de bras des dizaines de petits et moyens établissements dans les territoires. Ils ne sont plus viables. La prise en charge de centaines de milliers de patients va être affectée », alerte le fondateur de Vivalto Santé, Daniel Caille. Même des établissements de taille conséquente flanchent : début mars, la clinique généraliste Toulouse-Lautrec d'Albi (Tarn) a été placée en redressement judiciaire.
Patients défavorisés
Neuf millions de patients par an passent par le privé, qui assure 35 % de l'activité hospitalière et « dans les territoires les plus fragiles, les établissements privés à but lucratif reçoivent plus de patients aux minima sociaux que l'hôpital public », souligne Olivier Jourdain, gynécologue obstétricien chez Elsan.
Le privé rappelle son rôle social, y compris post-pandémie. Depuis 2022, il a davantage accru son activité que le public pour rattraperla « dette de soins » non assurés. « Dans le cancer du sein, fin 2022 il n'y avait plus de dette de soins. Si on avait tourné comme le public, 8.000 femmes n'auraient pas été opérées », affirme le patron d'Elsan, Sébastien Proto.
Cet accroissement d'activité justifie une moindre revalorisation tarifaire, selon le ministre de la Santé, Frédéric Valletoux, qui juge que « la croissance de l'activité du privé est forte et va logiquement soutenir les résultats financiers des établissements privés ». Mais le secteur fait valoir l'impossibilité d'augmenter une activité qui est de plus en plus souvent déficitaire.
Plus efficient
« Pour faire des économies, l'Etat devrait au contraire encourager l'hôpital privé, car il est plus efficient », souligne Sébastien Proto, qui aligne les exemples : en moyenne, traiter un cancer digestif est 33 % moins cher dans le privé, un accélérateur (un équipement de radiothérapie à plusieurs millions d'euros) prend 15 % de patients de plus et un accouchement coûte 700 euros de moins, etc.
« Il faut une revalorisation de 3 % pour que 2024 ne soit pas une nouvelle année de dégradation. Le gouvernement doit revoir sa copie avant que les conséquences ne soient irréversibles », déclare Daniel Caille.
Myriam Chauvot