Sanofi révise à la baisse ses ambitions en oncologie. Les partenaires sociaux ont commencé à négocier un plan de suppression de 1.200 emplois en R&D, dont 330 en France. Contrairement aux plans de 2019 et 2021, celui-ci prévoit des départs contraints, alertent les syndicats.
Les échecs de Sanofi en oncologie avaient déjà miné son bénéfice 2023, dévoilé début février, maintenant ils nuisent à son climat social. L'arrêt de la plupart de ses programmes de R&D dans le cancer entraîne un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) dont la première réunion de négociation inquiète les partenaires sociaux. « Il y a déjà eu des plans dans la R&D en 2019 et en 2021, mais on avait réussi à reclasser les gens, et les départs étaient volontaires. Cette fois, ça risque d'être plus violent, la direction a évoqué des départs contraints », souligne Laurence Titeux pour la CFDT.
Le syndicat a publié un communiqué le 17 avril dénonçant une situation « inacceptable » que « les salariés vivent pour la troisième fois en cinq ans » et prévient « qu'elle ne devra pas recourir à des départs contraints » pour ce PSE. Le plan supprime 1.200 des 11.660 postes de la R&D mondiale de Sanofi, dont 330 en France entre 2024 et 2025 (12 % des effectifs).
Immunologie vedette
Au total, Sanofi arrête 70 % de sa trentaine de programmes d'oncologie. Il garde notamment ceux du partenariat conclu avec la biotech marseillaise Innate Pharma. « L'arrêt n'est pas total, mais il est trop massif pour permettre de repositionner toutes les personnes concernées », explique Sanofi. Les départs contraints seront toutefois fonction de l'issue des négociations qui démarrent, la priorité des syndicats est de s'y opposer.
En France, les 330 suppressions de postes se comparent à une R&D comptant 3.200 personnes (environ 4.000 avec son pôle lyonnais sur les vaccins), dont 2.000 sur les deux sites franciliens du groupe (Vitry-sur-Seine et Gentilly) et un millier à Montpellier. « Sanofi a déjà arrêté la R&D en cardiologie, en diabète, etc. Bientôt, il ne restera plus que l'immunologie ! » dénonce Laurence Titeux. C'est le domaine fort du groupe, incluant son médicament vedette, le Dupixent, qui est une machine à cash et c'est la grande priorité de la feuille de route R&D présentée fin 2023 aux investisseurs. Interrogé, Sanofi fait valoir que la R&D continue dans des domaines comme des formes de diabète ou la sclérose en plaques (qui relève de la neurologie). Ce sont des pathologies où le système immunitaire dysfonctionne, donc liées à l'immunologie, et c'est par cet angle d'attaque, désormais, qu'il développe des traitements.
Actions dures
Sa stratégie suscite le scepticisme des partenaires sociaux, qui voient surtout un renoncement, alors que « déjà aujourd'hui, les grands laboratoires investissent environ 19 % de leur chiffre d'affaires en R&D, Sanofi, c'est 2 % de moins », rappelle Laurence Titeux. Le groupe prévoit d'accroître de 700 millions d'euros son budget R&D cette année et à nouveau de 700 millions en 2025. Mais cette hausse est destinée à financer les essais cliniques des produits en pipeline, donc le développement pas la recherche.
La première réunion du comité social et économique central s'est tenue le 11 avril. Pour les partenaires sociaux c'est le top départ des quatre mois légaux de négociation des mesures d'accompagnement (extensible pour cause de vacances estivales). Remontée, la CFDT rappelle qu'il y a déjà eu des actions dures, comme en 2014, lors de la fermeture du site de Toulouse. Si le volontariat et les généreuses conditions de départ volontaire des plans précédents touchant la R&D avaient fait passer la pilule, cette fois, ce pourrait ne pas être le cas.
Myriam Chauvot